« Oh it's such a perfect day, I'm glad I spent it with you »

Perfect day (Lou Reed)

1^er octobre 1980

Zelda poussa les battants à la volée. La porte du café ouvrait sur le repaire habituel et enfumé de toute la bande.

— Salut ! lança-t-elle à la cantonade.

Elle accrocha son manteau à la patère, quitta ses gants et, souple comme un chat, se fraya une place sur la banquette de cuir vert parmi les copains attablés. Elle le remarqua au milieu des volutes de sa cigarette, assis entre Paul et René, à deux places d'elle. Il lui apparut d’abord de profil. Elle fut frappée par la grâce de ses traits. Au milieu de l’essaim bourdonnant, son visage s’animait sous le feu des débats. Il enfouissait sa main dans une épaisse et exubérante chevelure frisée, d’un châtain cuivré par le henné.

Tel un animal qui surveille d'instinct son territoire, il tourna la tête et glissa subrepticement dans les prunelles de Zelda un regard aux éclats noisette sous de longs cils noirs, qui plonge au coeur des choses, celui d'un antique Égyptien au blanc de l'oeil presque bleuté. Il interrompit un instant sa discussion pour lui adresser un sourire narquois et charmeur.

— Salut, toi !

Puis il reprit sa conversation en riant de bon coeur à une plaisanterie. De temps à autre, tout en papotant avec Maya, son attention revenait vers Zelda, occupée pour masquer son trouble à désentortiller sa longue écharpe colorée.

— Un thé et un croissant ! J'ai faim ! commanda-t-elle...